Guillaume Meurice sur Nova : manifestation, humour trash, politique…On était à la première de « la Dernière »

Licencié en mai de France Inter pour sa blague sur Netanyahou, Guillaume Meurice s’installe sur Radio Nova dans « la Dernière », une nouvelle émission dominicale en direct et en public depuis l’Européen, accompagné d’une partie de son équipe. Nous avons assisté à la première.

« Vous savez qui est l’invité ? Ce sera une surprise, peut-être Adèle Van Reeth (la directrice de France Inter) », lance à quelques minutes de la prise d’antenne Guillaume Meurice au public. Face à lui, 300 personnes ayant payé entre 12 et 17 euros pour assister à la première de « La Dernière », l’émission qu’il présente désormais sur Nova chaque dimanche de 18 à 20 heures, en direct depuis l’Européen à Paris (XVIIe). À ses côtés, Aymeric Lompret, Juliette Arnaud et Pierre-Emmanuel Barré, la colonne vertébrale de cette nouvelle bande. « La Dernière », donc, comme si, facétieux, ils prévoyaient déjà la sortie. Licencié de France Inter pour sa blague réitérée à l’antenne sur Netanyahou, le « nazi sans prépuce », Meurice connaît la chanson. Lompret, lui, en avait démissionné en solidarité quand Juliette Arnaud — « soulagée » — n’a pas été renouvelée cet été. Pierre- Emmanuel Barré, lui, n’est plus à l’antenne depuis sept ans après avoir démissionné d’Inter s’estimant censuré.

Ces quatre-là ont pourtant carte blanche sur Nova, à l’invitation de Matthieu Pigasse. « Il a dit : Faites ce que vous voulez avec qui vous voulez. Dit comme ça, on dirait la devise d’un club échangiste tenu par l’abbé Pierre… lâche Meurice à l’antenne. Ce qui me tenait à coeur, c’est de faire vivre un espace de satire politique, ce genre d’humour, on sent bien qu’il est menacé aujourd’hui. Sur Nova, on est un peu un refuge humoristique, ça me plaît. »

« On parlera d’anticapitalisme, mais juste après une page de pub »

Acerbe et déconneur, irrévérencieux, politique et à gauche toute, le ton de la bande reconstituée n’a pas varié. Elle a désormais une tribune hebdomadaire de deux heures entrecoupées de nombreuses pauses musicales et publicitaires. Ce que le chef de bande souligne avec malice : « On parlera d’anticapitalisme, parce que c’est important, mais juste après une page de pub. » Oui, il pourra être question de « paléo capitalisme », de « centre extrême » ou encore de « bolchevisme culturel » dans « La Dernière ». À grands coups de saillies, le délire y a rendez-vous, mais le sérieux aussi, avec un spécialiste invité chaque semaine. « Des gens qui nous éclairent un peu sur le monde, qui nous aident à piger un peu mieux l’actualité », précise l’humoriste. Ce dimanche, on a entendu Johann Chapoutot, spécialiste du nazisme. Évidemment pas vraiment une coïncidence… « L’insulte d’antisémitisme est devenue le moyen de décrédibiliser une personne en vingt secondes. Tout le monde a peur maintenant de défendre la Palestine ou de dire : Est-ce qu’on peut arrêter de massacrer des Arabes ? Parce qu’il y a le risque de se faire traiter d’antisémite. »

Devant le théâtre, justement, une trentaine de membres du collectif Nous Vivrons, en lutte contre l’antisémitisme, a manifesté pour protester contre son arrivée sur Nova. « L’antisémitisme n’est pas une blague », « On est fort, on est fier, sans prépuce et en colère », « coupez les micros aux antisémites » ou « pas de radio pour les fachos », hurlent les manifestants. « Je trouve ça antisémite de me trouver antisémite » Parmi eux, huit se sont glissés dans des costumes… de sexes masculins gonflables ! Un temps, court, on a cru à une blague signée Meurice & Co. Lui-même s’en amuse peu avant 18 heures. « Vous êtes content de la petite animation qu’on vous a prévue à l’entrée ? Est-ce qu’il y a des gens déguisés en teub dans la salle ? », ajoute-t-il avec ironie.

« On reprend leur levier de l’humour, sur lequel nous aussi on peut en jouer, explique Caroline Maury, directrice générale du collectif. On veut dénoncer l’humour, entre guillemets, de Meurice, Lompret et de Radio Nova qui leur ouvre la porte. Pour nous, c’est un peu dans la mouvance de Dieudonné, assène-t-elle. Sous prétexte d’humour, on se permet des dérives antisémites. L’idée de nazifier les juifs est très gênante, le nazisme, c’est le mal absolu. On transforme alors l’ensemble des juifs en mal absolu qu’il faut combattre, dénonce-t-elle. Ce renversement des valeurs est un mécanisme antisémite classique. Les mots ont un impact, et ce sont les juifs qui le payent de leur personne. »

« La polémique, elle est vieille, tous les arguments ont été dits, soupire Meurice quand on lui en reparle. Mais ça fait partie du jeu, ils ont le droit de s’exprimer dans la rue. Contrairement à eux, je ne leur demande pas de se taire. » L’antisémitisme, il le balaie. « C’est un peu ridicule. En fait, je trouve ça antisémite de me trouver antisémite. Ma blague a toujours été sur Netanyahou et assimiler tous les juifs à Netanyahou, je trouve ça vraiment de l’antisémitisme pur et dur. » On ne les mettra pas d’accord. Pas ce soir de première au cours de laquelle les vannes ont fusé de toutes parts.

Des humoristes qui tirent à vue

« J’ai de la musique de merde dans le casque ! se plaint Aymeric Lompret. J’avais envie de dire qu’on mette France Inter, mais c’est la playlist de Nova. » « On est à une époque où on peut skier à Dubaï sur des pistes artificielles et où Sophia Aram a reçu le Molière de l’humour, une époque bien surprenante », glisse Meurice avant une revue de l’actualité de la semaine. Et Juliette Arnaud d’évoquer le pape parlant contraception. « Un pape qui donne son avis sur la procréation, c’est comme si Raphaël Einthoven parlait de philosophie. » Attention, ça tire à vue. Le public apprécie et le fait savoir.

L’invité historien arrive et tente, au fil des questions de la bande, de donner à comprendre par l’histoire ce à quoi l’on assiste. « L’extrême centre dérive toujours vers l’extrême droite, c’est une loi de la gravitation politique du XXe siècle… » Et le spécialiste de l’extrême droite d’expliquer son propos. C’est passionnant. Derrière lui, on brandit à l’attention de Meurice une ardoise sur lequel on lit « PUB ». « Il y a de la publicité », annonce-t-il, précisant que la régie pub de Nova est opérée par Lagardère, dont Bolloré est actionnaire « En vrai, c’est pas mal, pour qu’à l’avenir les historiens comme toi aient du taf, il faut financer le fascisme un petit peu. »

Florence Mendez apparaît pour dézinguer Thaïs d’Escufon, ancienne porte-parole de Génération identitaire, un temps chroniqueuse dans « On marche sur la tête » de Cyril Hanouna et non renouvelée sur Europe 1. « Elle a été jugée trop raciste ! Trop raciste pour Europe 1, c’est comme trop chauve pour Monsieur Propre, trop jeune pour Gabriel Matzneff… », tacle l’humoriste. Bon client, Chapoutot apporte de l’eau au moulin en évoquant Alfred Hugenberg, « le Vincent Bolloré des années 1920 et 30 en Allemagne ». Un magnat de la presse qui, « par sa maîtrise des médias, va nazifier l’opinion publique allemande ».

Meurice a une chronique, la panique morale de la semaine, consacrée aux anneaux des JO qu’Anne Hidalgo veut conserver sur la tour Eiffel. Surtout aux réactions que ça a suscitées dans les émissions de débats. Et de tourner en dérision, extraits sonores à l’appui, les commentateurs de CNews ou de RMC. RMC, encore, pointée par Samah Karaki, Professeur en neurosciences, qui évoque comment « l’humour qui mobilise des stéréotypes a le pouvoir de promouvoir la discrimination… ». En lien avec Charles Consigny qui, aux « Grosses Têtes », se plaignait de ne plus pouvoir rien dire après une blague sur le viol…

Une minute d’applaudissement et des spectateurs ravis

Lompret se lance, capable d’égratigner en une phrase deux figures intouchables : « Attention aux apparences, on n’est pas loin de découvrir dans six mois que Jean Moulin il était là : Allez Lucie Aubrac, allez, allez, cesse de résister. » Stupeur, puis début d’applaudissements… « Applaudis pas, ça m’encourage. » « Très content d’être à la radio dans l’émission de la résistance », Akim Omiri n’y va pas de main morte non plus. « Les racistes, ce qu’ils aiment dans le catholicisme, c’est pas le message de paix et d’amour, mais le fait de porter un Arabe mort sur une croix, cingle-t-il. L’émission s’appelle la dernière, on va tester les limites. »

« Qui aurait pu imaginer que tu te retrouverais à la tête d’une émission ? Je vais quand même résumer ta carrière en bref. » Un blanc. « Voilà ». Au jeu de l’outrance, Pierre-Emmanuel Barré vaut son pensant. Et de taper directement au plus haut. « Matthieu Pigasse qui est surnommé le banquier de gauche, c’est rigolo. Il paraît que ça existe. C’est comme les pédophiles hypersensibles, les militants du Hamas fans d’Enrico Macias, on peut les caser dans une Twingo. »

Plus d’une minute d’applaudissements pour cette première et dans le hall, des spectateurs ravis. « On y allait régulièrement le dimanche soir et on est convaincus, expliquent Cécile et son fils, Simon. On retrouve leur humour et en plus, ça va être éducatif ». « Ça va plus loin dans les analyses, dans les propos », estime Emmanuelle, une autre habituée qui a pris ses places pour un mois. Pour elle, pas de doute, « une partie des auditeurs du dimanche va basculer ».

« Certains sont dégoûtés et ne veulent plus écouter Inter », pense aussi Victor qui lui, a des places jusqu’en décembre. « J’ai trouvé ça très intéressant, on sort du cadre de l’interview promotionnelle pour se poser des questions, on rigole et apprend des choses, c’est génial ». Matthieu Pigasse semble lui aussi très satisfait. « C’est exactement l’esprit qu’on veut insuffler, de l’humour, du sérieux, de la musique cet espace de liberté d’expression, de liberté, et puis le combat anti Télévision & médias fasciste, souffle-t-il à la sortie. Ils font des blagues sur nous, sur Nova que je trouve très drôles. Je leur ai même dit qu’ils pouvaient être encore un peu plus abrasifs, qu’on rit encore plus. No Fear, no limit ! La seule limite c’est la loi française, pour le reste aucune limite ».

Lire l’article sur Leparisien.fr

A lire aussi

Abonnez-vous à la Newsletter de l'Antisémitisme

Ce que vous devez savoir sur nous

Partout où l’antisémitisme surgira, nous serons là ! Nous ne nous tairons plus et nous ne nous terrerons plus !